L'intérêt général au coeur de la finance

Posté le
25/10/2019

Tout en elle appelle à la quiétude. Fanny Picard parle d’une voix douce, prenant le temps de mesurer la portée de chaque mot avant de le prononcer. Son bureau, d’un blanc immaculé, parfait cette sensation de sérénité.

Il lui a fallu de nombreux sacrifices avant d’atteindre cet équilibre. À l’approche de la quarantaine, elle quitte la finance « pure et dure » pour monter Alter Equity, un fonds d’investissement éthique correspondant davantage à ses valeurs. Une décision qu’elle a longuement réfléchie.

« J’ai la conviction que les entreprises pourraient être plus respectueuses des personnes et de l’environnement. J’ai essayé d’agir mais il était trop difficile de faire évoluer le système. J’ai préféré le quitter », confie-t-elle.

« Rendre le monde meilleur »

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Fanny a toujours cherché un sens à sa vie. Des décès familiaux successifs l’ont confrontée jeune à la mort. « Cela m’a poussée à me demander : qu’ai-je envie d’avoir réalisé pour supporter que la vie s’arrête ? » Ces questionnements la structurent très tôt dans sa volonté d’agir.

À 20 ans, elle rêve de devenir présidente de la République. « Pour rendre le monde meilleur, assure Fanny. J’ai toujours pensé que le sens était dans l’intérêt collectif. » La jeune étudiante se lance dans la finance, afin d’acquérir une autonomie financière et de mener, à terme, une carrière politique.

En parallèle de sa carrière, notamment à la banque d’affaires Rothschild & Cie, puis dans la société d’investissement Wendel, elle côtoie ainsi le monde politique. Mais face à sa violence, elle comprend que cet univers ne sera jamais compatible avec son éducation, respectueuse des règles et des autres.

La Seconde guerre mondiale dans un coin de la tête

Comment agir autrement ? Elle s’interroge. Son histoire familiale résonne alors en elle. Ses grands-pères, tous deux résistants, l’ont abreuvée de livres sur la Seconde Guerre mondiale. « C’est une histoire très présente dans ma manière de regarder le monde. Elle m’a permis de percevoir combien une différence peut entraîner une discrimination, voire des actes plus graves. »

Comme une évidence, la lutte contre les discriminations s’impose à elle. Elle rejoint l’association Mozaïk RH, avec laquelle elle place en stage dans de grandes entreprises les jeunes des quartiers défavorisés.

Mais plus elle s’investit, plus la dichotomie entre ses valeurs et sa vie professionnelle est difficile à supporter. En 2006, Fanny n’y tient plus. Elle quitte Wendel.

Les hommes puis l’environnement

Si cette décision lui permet d’être en accord avec elle-même, elle n’est pas sans conséquences. « L’entreprise connaissait un important succès, j’y avais une responsabilité significative. Quand vous partez dans ce genre de situation, les autres pensent que vous avez été renvoyé. Affronter ce regard est loin d’être agréable », souligne-t-elle.

La femme à la volonté inébranlable a toutefois un projet en tête. Elle veut monter un fonds pour aider les jeunes des quartiers à lancer leurs initiatives. Le concept se précise au fil de ses rencontres. Alain Grandjean, l’un des grands experts des questions d’énergie et de climat, contribue à faire évoluer sa vision du monde.

Elle qui n’avait alors « aucune conscience écolo » prend la mesure des enjeux environnementaux. D’où l’idée de créer un fonds d’investissement non seulement utile aux hommes, mais aussi à l’environnement.

« On peut toujours aller plus loin »

Mais le chemin est long avant de pouvoir financer les premiers projets. Pendant six ans, Fanny peine à lever des fonds. Après le krach boursier de 2008, son discours sur la responsabilité sociale des entreprises suscite en effet de nombreuses réticences. « Les investisseurs restaient sceptiques quand je leur disais que l’intérêt général et le rendement financier étaient compatibles », déplore-elle.

Le marché financier n’est pas encore prêt à se lancer dans la finance responsable. Ce n’est qu’en septembre 2013 qu’elle parvient à construire une structure pérenne. Aujourd’hui, elle l’avoue : « Si j’avais su que cela allait prendre autant de temps, je ne sais pas si je l’aurais fait. »

Pour autant, elle ne reviendrait dans son « ancienne vie » pour rien au monde. « On peut toujours aller plus loin », sourit l’ambitieuse femme, qui a gagné le prix « Espoir » de la femme d’influence économique en 2015. Quant à son rêve de faire de la politique, elle ne l’a jamais vraiment oublié. « Je considère que mon travail a une finalité politique. On peut avoir une action sur le monde en dehors de l’univers étatique. »

-----------------

Un fonds d’investissement responsable

La recherche de la rentabilité peut être compatible avec une pratique éthique des affaires. C’est en tout cas la philosophie d’Alter Equity, un fonds d’investissement lancé par Fanny Picard en 2013, qui finance des entreprises capables d’une croissance économique pérenne et à impact positif sur l’environnement ou sur l’homme. Celles-ci s’engagent également à suivre un business plan extra-financier, afin de progresser vers davantage de responsabilité sociale et environnementale dans leurs pratiques de gestion. Les six projets financés à ce jour œuvrent notamment dans l’économie d’énergie, l’énergie renouvelable, le recyclage, ou encore les produits bio.

Par Lauriane Clément

Lien vers l'article :

L'intérêt général au coeur de la finance
Posté le
25/10/2019
dans
Interviews

A lire également

Partageons nos valeurs: Parité, où en est-on dans l'écosystème des start-up ?

Ce mercredi 8 mars, Marion Chanéac a abordé la parité homme-femme dans l'écosystème des start-up, dans l'émission BFM Bourse présentée par Guillaume Sommerer.

Radio Classique : l'émission "Comment j'ai réussi ?"

Fanny Picard revient sur son parcours et dévoile la toute nouvelle et unique méthodologie de mesure d’impact environnemental.

Alter Equity et Carbone 4 lancent une méthode unique de mesure d’impact environnemental

Le dispositif ajoute à l’empreinte carbone les impacts d'une entreprise sur la biodiversité et les ressources naturelles.

BFM Bourse : investir socialement responsable avec le private equity

Fanny Picard est l'invité de Guillaume Sommerer pour évoquer les startups que nous soutenons et qui apportent de véritables solutions pour permettre la transition énergétique.

BFM Bourse : Des idées pour investir dans la transition écologique

Ce jeudi 17 novembre, Fanny Picard, fondatrice d'Alter Equity, s'est penchée sur le résultat final qu'il faut attendre de la COP 27, les idées pour investir dans la transition écologique, dans Thèmes d'investissement dans l'émission BFM Bourse présentée par Guillaume Sommerer.

Rendement et responsabilités sont-ils compatibles ? Le cas du fonds à impact Alter Equity

Utiliser l'investissement pour servir l'intérêt général d'un point de vue social ou environnemental, telle est la raison d'être du fonds d'investissement Alter Equity. Zoom sur l'Impact Investing.

Partageons nos valeurs: Comment convertir la sobriété en investissement rentable ?

Marion Chanéac, directrice d'investissement associée chez Alter Equity, donne des conseils pour convertir la sobriété énergétique en investissement rentable dans l'émission BFM Bourse présentée par Guillaume Sommerer.

Actualites

Ce qu'il se cache derrière les fonds à « impact »

Parmi eux, Alter Equity, un pionnier sur le sujet. « L'impact positif d'une entreprise requiert pour nous la combinaison d'une activité utile aux personnes ou à la nature, des pratiques de gestion profondément respectueuses de l'intérêt à long terme des personnes et de la nature, ainsi que la limitation des externalités négatives telles que les pollutions », indique Fanny Picard, sa dirigeante.

Interviews

Les investissements à impact gagnent du terrain

Les fonds à impact ne représentent encore que 1% de la finance mondiale, mais ils sont porteurs d’avenir. Ce sont les investissements les plus exigeants, car les plus à même de faire bouger.